vendredi 6 octobre 2017

Comment la Turquie a détruit ou éliminé ses archives et documents historiques


Comment la Turquie a détruit ou éliminé ses archives et documents historiques 

 Harut Sassounian
The California Courier  


Éditorial du 5 octobre 2017 

Pendant plusieurs décennies, le gouvernement turc et ses propagandistes ont déclaré que les documents officiels, en particulier les archives ottomanes, étaient complètement disponibles pour tous les chercheurs du monde entier. 

Ce que les responsables turcs et leurs soutiens ne disent pas, c’est que de nombreux documents des archives ottomanes ont été déplacés, détruits, vendus ou éliminés. De plus, certaines archives très sensibles sont toujours fermées aux étrangers. 

Le mois dernier, la journaliste turque Uzay Bulut a posté sur le site PhilosProject.org, un article éclairant : La Turquie non-censurée : une histoire de censure et d’interdictions, portant sur le statut des archives et des documents turcs depuis plusieurs siècles. Mme Bulut est libre de révéler de tels secrets car elle ne vit plus en Turquie. Elle est actuellement basée à Washington, D.C. 

Aujourd’hui en Turquie, le site Wikipedia est bloqué sur ordre gouvernemental, car Wikipedia a refusé de supprimer les articles révélant que les autorités turques soutiennent les terroristes de Daech. En outre, 127 000 sites et 95 000 pages individuelles sont bloqués par la Turquie, selon la journaliste Bulut. 

Cette interdiction moderne de milliers de sites est la continuation du décret du sultan ottoman Bayazid II, datant de 1485, imposant la peine de mort pour toute personne imprimant des livres en turc ou en arabe. L’interdiction est restée en vigueur pendant plus de deux siècles, rapporte Bulut. « Cette interdiction est largement citée par les historiens, comme étant l’une des raisons principales à l’effondrement intellectuel et scientifique de l’Islam à l’aube de la révolution industrielle. » 

La République de Turquie, sous le règne de son fondateur Kemal Atatürk à partir de 1923, a perpétué la tradition de la censure en interdisant « au moins 130 journaux, magazines et livres, selon le livre de Mustafa Yilmaz et Yasmin Doganer La censure à l’époque de la République (1923-1973). » Le deuxième Premier ministre turc (1950-1960), Adnan Menderes, a interdit 161 publications, selon Bulut. 

Revenant à la censure des archives, Bulut cite l’historien turco-juif Rifat Bali qui « a expliqué l’histoire de l’élimination ou de la destruction des archives officielles dans son livre paru en 2014, L’histoire de la destruction du pillage : mots écrits ou imprimés, lettres mortes, archives jetées (ou vendues) comme déchets. » Les archives de nombreux partis politiques, du Sénat et de plusieurs institutions gouvernementales ou non-gouvernementales en Turquie sont soit fermées au public, soit elles n’existent plus. » Selon Bali, « les archives des partis politiques fermés lors du coup d’État du 12 septembre 1980 ont été envoyées à la SEKA (Usines de cellulose et de papier) en tant que papier de recyclage. » 

Les archives du parti républicain du peuple (CHP) sont les plus importantes, parce que c’est le parti des années fondatrices de la République. Comme l’écrit Bali : « Certains disent qu’elles ont été brûlées. D’autres qu’elles ont été jetées le 12 septembre. D’autres disent que non, elles n’ont pas été jetées. Elles sont là. Donc c’est un mystère aujourd’hui. Une grande partie de ces archives est inexistante. » 

De plus, Bali a rapporté que « les archives de la présidence, de l’organisation nationale du renseignement (MIT) et du ministère de l’Intérieur sont fermées. » Fait intéressant, Bali a noté l’histoire étrange « des documents confidentiels du ministère des Affaires étrangères qui ont été découverts chez un ferrailleur à Ankara en 1998. On a ensuite compris que le ministère avait vendu ses coffres-forts par manque d’espace au ministère, sans même vérifier leur contenu. » 

Dans son livre, Bali donne plusieurs autres exemples de destruction de documents importants. 

-- « De nombreux documents de l’Institut d’histoire turque – y compris une lettre d’Atatürk – ont été jetés ; » 

-- « Tous les procès-verbaux des délibérations du Sénat qui a été établi avec la constitution de 1961 et qui est resté actif jusqu’au coup d’État du12 septembre 1980 ont été envoyés aux Usines de cellulose et papier (SEKA) ; » 

-- « Lorsque la Présidence des affaires religieuses (Diyanet), financée par l’État, a déménagé dans un nouveau bâtiment en 1965, ses autorités ont dit que ‘les vieux documents n’avaient pas leur place dans le nouveau bâtiment’ et certains documents ont été envoyé à la SEKA » ; 

-- « Lorsqu’il y a eu une pénurie de papier à la SEKA dans les années 1980, on a demandé aux institutions publiques d’envoyer leurs vieux documents à l’usine. De nombreuses archives, à des niveaux institutionnels, ont ainsi disparu » ; 

-- Pas plus tard qu’en 2013, les livres anciens de la Bibliothèque nationale turque, en grec, en hébreu et en syriaque, ont été vendus à la tonne, « car il n’y avait pas de bibliothécaires capables de lire ces langues. » 

La journaliste d’investigation Uzay Bulut conclut : En raison de toutes ces informations dissimulées au public, la propagande d’État a créé des masses qui suivent aveuglément tout ce que les autorités étatiques – qui ont perdu leur compas moral et jamais ne s’opposent ou ne s’expriment quand elles assistent à des violations des droits de l’homme, qui ne respectent pas les opinions divergentes ou le droit à la dissidence, et qui promeuvent une version extrêmement inexacte de l’histoire – ont à dire. » 

La prochaine fois que les propagandistes gouvernementaux écrivent « nos archives sont ouvertes », vous pouvez leur envoyer une copie de cet article, car les révélations de la journaliste de renom, Uzay Bulut, les fera taire ! 

©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 5 octobre 2017 – www.collectifvan.org 

http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=97255

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