jeudi 3 avril 2014

Appel de la Suisse auprès de la Cour européenne à propos du génocide arménien

-Le dragon arménien -(pastel Dzovinar)

 texte de l’appel de la Suisse auprès de la Cour européenne à propos du génocide des arméniens 

Harut Sassounian
The California Courier le 3 avril 2014.
Éditorial du 3 avril 2014
Il y a deux semaines – le dernier jour du délai de trois mois – le gouvernement suisse a décidé de faire appel dans le cadre du procès Perincek c. Suisse, devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Bien que le texte de l’appel suisse ait été conservé sous scellés en attendant l’examen de la CEDH, j’ai été en mesure d’obtenir une copie en français. C’est la première fois que le contenu de l’appel suisse apparaît dans les médias.
Le 17 décembre 2013, la CEDH avait rendu un jugement indiquant que la Suisse avait violé les droits de Dogu Perincek, le leader d’un petit parti turc, qui s’était rendu en Suisse en 2005 avec l’objectif explicite de nier le génocide arménien. Il avait mis les autorités suisses au défi de l’arrêter pour avoir affirmer que le génocide arménien était « un mensonge international ».
Suite à sa condamnation pour violation de la loi suisse sur la discrimination raciale, la négation des génocides et autres crimes contre l’humanité, Perincek avait fait appel de sa peine jusqu’au Tribunal fédéral, la plus haute cour de Suisse, qui avait confirmé sa condamnation. Il avait alors déposé plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, accusant la Suisse de violer plusieurs de ses droits, dont celui de la liberté d’expression. Fait surprenant, cinq des sept juges de la CEDH avaient exonéré Perincek, estimant que la Suisse violait certaines dispositions de la Convention européenne.
Si le jugement de la CEDH n’avait pas été contesté, cela aurait constitué un sévère revers pour la reconnaissance du génocide arménien, en particulier à la veille des commémorations mondiales du centenaire du génocide arménien, qui auront lieu le 24 avril 2015. Encore plus important, en dépassant le cadre de leur mandat sur les violations présumées des droits de Perincek, la majorité des juges de la CEDH a soulevé des questions sur la validité du génocide arménien. Les juges ont également établi des distinctions injustifiées et artificielles entre le génocide arménien et le génocide juif, statuant que sanctionner les négationnistes du premier était illégal, mais condamner les négationnistes du second était correct.
Étant donné les conséquences néfastes de ce verdict injustifié sur la cause arménienne, le gouvernement de l’Arménie, les communautés arméniennes dans le monde, et en particulier la communauté arméno-suisse, ont fait du lobbying auprès de la Suisse pour s’assurer qu’elle fasse appel de la décision de la CEDH dans l’affaire Perincek. En réalité, les autorités suisses n’auraient pas eu besoin d’être poussées par les Arméniens, car elles ont obligation de défendre les jugements de leurs propres cours, y compris ceux du Tribunal fédéral, ainsi que l’intégrité du système juridique de leur pays !
L’appel de six pages de la Suisse, déposé le 17 mars 2014, a fait valoir que le verdict de la CEDH soulevait « des questions graves relatives à l’interprétation et à l’application » de la Convention européenne des droits de l’homme pour les trois raisons suivantes :
-- Le verdict touche une question – le génocide arménien –n’ayant pas encore été examinée par la CEDH. Ce procès soulève notamment deux questions juridiques fondamentales que la CEDH n’a jamais traitées : la qualification juridique du génocide arménien et la portée de la liberté d’expression, lorsqu’un État signataire de la Convention, dans le cadre de la lutte contre le racisme, incrimine la négation d’un génocide.
-- Le jugement réduit de manière indue « la marge d’appréciation » dont disposait la Suisse selon la jurisprudence de la CEDH. Perincek a répété à plusieurs reprises qu’il ne changerait jamais sa position sur le génocide arménien. La manière de présenter sa conviction négationniste était « particulièrement offensive ». En argumentant qu’une telle personne apporte une certaine valeur « au débat et à la recherche historique » sur cette question, « la Chambre s’est écartée de la jurisprudence établie et équilibrée de la Cour. »
-- Ce verdict créé des « distinctions artificielles. » Perincek a non seulement contesté l’utilisation du terme génocide, mais il a également qualifié les massacres des Arméniens de « mensonge international ». En outre, bien qu’il n’y ait pas eu de verdict international dans le cas du génocide arménien, en 1919, le jugement du tribunal turc contre les instigateurs du génocide arménien « constitue un élément de preuve digne de foi attestant de faits ou de comportements défavorables au sens de la jurisprudence de la Cour internationale de justice. » En outre, même le Tribunal de Nuremberg n’a pas fait mention du terme de génocide et n’a pas condamné les responsables nazis pour génocide, mais « pour crimes contre la paix, crimes de guerre et/ou crimes contre l’humanité. »
L’appel de la Suisse a fourni des arguments irréfutables et des preuves convaincantes, montrant que cinq des sept juges de la CEDH avaient fait de graves erreurs de jugement et factuelles en rendant un verdict en faveur de Perincek et contre la Suisse.
Un collège de cinq nouveaux juges de la CEDH va à présent décider si l’appel de la Suisse sera renvoyé devant les 17 juges de la Grande Chambre, pour une décision définitive.
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 3 avril 2014 –www.collectifvan.org

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