mardi 19 juillet 2016

"ARTSAKH ENTRE GUERRE ET NEGOCIATIONS" - Hilda Tchoboian

Pour comprendre (en partie) ce qui se passe aujourd'hui en Arménie, et au Sud du Caucase

Hilda Tchoboian

"ARTSAKH ENTRE GUERRE ET NEGOCIATIONS"
 Nor Haratch du 16 juillet 2016
Hilda Tchoboian

Quel est le bilan cumulé de la guerre d'avril dernier, suivie par les rencontres de Vienne en Autriche sous l'égide du groupe de Minsk, et de celle de St Petersbourg du 20 juin dernier, entre les Présidents Sarkissian et Aliev et sous le parrainage de Vladimir Poutine ? 

La guerre des 4 jours a étalé au grand jour les déficits du dispositif arménien de sécurité, que les jeunes soldats, soutenus moralement et physiquement par toute la population, ont essayé de combler avec des gestes de bravoure, parfois en payant de leur vie. Or, la révélation récente des documents de Madrid et de Kazan, pris comme base des négociations par l'Arménie et l'Azerbaïdjan lors des rencontres successives de Vienne et de Saint-Petersbourg, ont mis en lumière une modification du format et du contenu des négociations au profit de l'Azerbaïdjan, aggravant ainsi les menaces pesant sur la sécurité nationale des deux républiques arméniennes, et par voie de conséquence, sur la viabilité de l'Arménie.
Ces déficits sont le fait de la corruption qui ronge le pays depuis l'indépendance, mais également des choix politiques et diplomatiques de l'Arménie, dans un contexte géopolitique complexe qui met en cause sérieusement la survie de l'Arménie qui pour affronter le danger, ne pourra pas faire l'économie d'une révision complète des paradigmes de sa politique intérieure et extérieure.

La rencontre des Présidents d'Arménie et d'Azerbaïdjan à Saint Petersbourg a été marquante plus par ses non-dits que par son contenu. 
Il ne s'agissait pas d'une rencontre banale, puisqu'elle intervenait après l'agression armée par l'Azerbaïdjan dans ce qu'il convient d'appeler « la guerre des 4 jours », avec un lourd bilan humain, territorial et matériel : une centaine de soldats et de civils tués, et autant de blessés dont un grand nombre de mutilés parmi les jeunes recrues, des crimes de guerre passibles de la justice internationale par les assaillants, des pertes territoriales arméniennes de 800 ha, et 140 familles évacuées du village de Talish, déplacées et sans abris pour la deuxième fois depuis le début de la guerre.

A ce jour, la partie azerbaïdjanaise n'a toujours pas communiqué le bilan de ses pertes matérielles et humaines ; on peut supposer qu'elle a ses raisons pour le masquer.

*Bilan des négociations de paix

Dans leur partie publique, les rencontres de St Petersbourg n'ont fait que confirmer l'accord de Vienne (Autriche) du 16 mai dernier, sur la mise en place par l'OSCE de mécanismes d'enquête des violations du cessez-le-feu, le maintien du cessez-le-feu selon les accords de Bichkek en 1994 et de Budapest en 1995, ainsi que les modalités des échanges d'information sur les disparus. 
Mais depuis quelques jours, depuis le dévoilement par le Centre de Recherches ANI de Tatul Hakobyan des documents de travail sur les principes dits de Madrid et de Kazan, les observateurs découvrent le contenu du plan de l'accord discuté, qui stipulent le retour progressif des territoires libérés à l'Azerbaïdjan, contre des promesses incertaines sur le statut futur du Haut- Karabagh.
Retour donc à la case-départ des négociations d'avant 1998, aux termes de l'accord donné par le Président Levon Ter Petrossian pour une solution par étapes du conflit. En accédant au pouvoir à cette date, le Président Robert Kotcharian avait renversé cette logique en exigeant et en obtenant du Groupe de Minsk le principe d'une solution globale et un règlement simultanée de l'ensemble des problèmes discutés dans le cours des négociations, et qui ne laisserait pas au lendemain la reconnaissance internationale du Karabagh autodéterminé. 
Le grand public ne connaissait jusque-là que trois principes du document de Madrid, repris, nous disait-on, dans le document de Kazan : le non recours à la force comme solution au conflit, l'intégrité territoriale et le droit à l'autodétermination, ces deux derniers éléments étant considérés comme des principes de valeur égale.

Avec la récente révélation, on découvre aujourd'hui que leurs dispositions mettent la question cruciale du statut du Haut-Karabagh en position accessoire, soumise à un référendum dont la chronologie et les conditions de mise en application seraient confiées à une commission mixte arménienne et azerbaïdjanaise, alors que l'Azerbaïdjan obtient le retrait programmé des forces arméniennes de l'ensemble des districts sous contrôle arménien, excepté celui de Latchin.

Le Ministre des Affaires étrangères, Edward Nalbandian décrivait le modèle de solution discuté à Saint Petersbourg comme « globale, mais avec une application par étapes ». Or, ces documents révèlent de manière limpide une solution par étapes pour l'Arménie, sans que les dispositions principales assurant les droits et intérêts arméniens ne soient bien définies, alors que les intérêts azerbaïdjanais sont clairement protégés par une succession claire de mesures à accomplir. 
On pourra arguer que nous n'avons pas une claire connaissance de ce qui a été refusé ou accepté par les deux parties arménienne et azerbaïdjanaise. 

Cependant, si l'on en juge par le cadre défini pour les négociations, ces textes, même pris uniquement comme base des discussions, présentent un danger menaçant à terme la sécurité de l'Arménie et du Karabagh.

De plus, un glissement s'est opéré dans le format des discussions. Celles-ci sont passées du cadre de la présidence tripartite du Groupe de Minsk à celle du seul patronage russe, réunissant sous son égide les présidents arménien et azerbaïdjanais. C'est seulement après la rencontre Putine-Aliev-Sarkissian de Saint-Petersbourg que les coprésidents français, russe et américain du Groupe de Minsk ont été informés du contenu des discussions. 

*Pourquoi cet accaparement du processus des négociations par la Russie ?

Il faut en chercher les raisons d'abord dans le désengagement de la France pour une région qui ne présente pas d'intérêt stratégique pour elle. Les Etats-Unis a quant à lui d'autres priorités en cette période électorale. Enfin, la Russie a des leviers efficaces pour faire plier à ses exigences les parties aux négociations, en particulier la partie arménienne ; en jouant les intermédiaires, elle assure, bien sûr, ses intérêts d’État dans la région. 

Dès la fin des années 90, une formule était employée par les analystes politiques russes et qu'on peut résumer ainsi : La Russie est intéressée par une solution du conflit du Karabagh, à la seule condition qu'elle en soit le parrain. Nous sommes aujourd'hui, dans le schéma dont les organes de sécurité russes ont toujours rêvé depuis le début du conflit du Karabagh, voire peut-être même avant le déclenchement du conflit.

Aujourd'hui, du fait de la démission de facto de la France et des Etats-Unis de la table des négociations, et avec l'accord tacite des deux, les négociations sont du ressort de la seule Russie. Officiellement elles se déroulent en parallèle au processus de Minsk. Mais dans les faits, la Russie trouve là l'occasion d'affirmer sa primauté en terme d'influence sur la région du Sud-Caucase. 

Cette situation de monopole présente le danger de faire dépendre le sort du Karabagh du bon vouloir de la Russie, précisément en raison de l'asymétrie des relations de ce pays avec les deux protagonistes, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, dans la mesure où la Russie est en état d'exiger de la première des concessions, qui peuvent aller jusqu'à l'inacceptable pour n'importe quel pays indépendant, afin de réaliser son objectif stratégique d'asseoir son contrôle sur la région, et tendant à faire basculer, même partiellement, l'Azerbaïdjan dans son camp.

La vente par la Russie d'armements plus sophistiqués, plus modernes et en plus grande quantité à l'Azerbaïdjan, alors que c'est l'Arménie qui est le partenaire stratégique par ses liens avec la Russie à la faveur les accords de l'OTSC (l'Organisation du Traité de la Sécurité Collective), est vécue dans la société arménienne comme une humiliation symbolisant le retour de la Russie impériale qui a toujours eu la fâcheuse habitude de faire de son allié plus un vassal qu'un partenaire, plus un instrument au service de ses propres intérêts, qu'un pays dont la souveraineté importerait autant que sa fidélité.

Autre aspect inquiétant du format de ces négociations, est l'absence des représentants du Haut-Karabagh, premiers concernés par les discussions de paix, en totale rupture avec les accords de cessez-le-feu de Bichkek, demandés alors par l'Azerbaïdjan vaincu, et signés par le Karabagh, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. 

La République du Haut-Karabagh avait été progressivement écartée par les pays intermédiaires, notamment la Russie et les USA dès l'arrivée au pouvoir de Robert Kotcharian à la fin des années 90. Ce dernier, s'était convaincu que sa seule présence d'ancien Président du Karabagh, suffirait pour représenter les intérêts de la république auto-déterminée. 

Les faits donnent aujourd'hui raison à ceux qui défendaient cette participation, car outre sa légitimité représentative, la présence du Karabagh comme partie négociante donnerait plus de latitude à l'Arménie dans son rapport avec des pays plus puissants et qui défendent leurs propres intérêts stratégiques à travers ces négociations. 

Avec l'intensification des agressions au front par l'armée azerbaïdjanaise, l'Arménie a parfois évoqué la participation du Karabagh aux négociations, sans jamais aller jusqu'au bout de sa proposition.
Or, depuis une décennie, la militarisation forcenée de l'Azerbaïdjan, accompagnée de ses agressions quotidiennes en temps de cessez-le-feu, faisant des centaines de morts parmi les populations civiles et les jeune recrues, en totale contradiction avec le « principe de Madrid » de « non emploi de la force » n'ont pas réussi à conduire la partie arménienne à exiger de remettre à plat le cadre et le contenu des négociations. Les violations azerbaïdjanaises n'ont jamais été condamnées par les Présidents du Groupe de Minsk qui se sont contentés de déclarations vagues sans nommer l'agresseur, envoyant dos à dos l'Arménie agressée et l'Azerbaïdjan agresseur. 
Face aux transgressions récurrentes des accords de cessez-le-feu par l'Azerbaïdjan, l'Arménie a eu de nombreuses fois l'occasion de casser ce train-train qui, on le voit aujourd'hui, évolue au détriment de la sécurité des deux républiques arméniennes, et de changer les paramètres du contenu et du format des négociations, en faisant payer cher à l'Azerbaïdjan chacune de ses violations des règles du jeu. 
La confiance mutuelle, condition sine-qua-non de toute négociation de paix est depuis longtemps absente de ces discussions. Or c'est précisément la confiance entamée par les agissements d'Aliev qui rend caduques les discussions précédentes. 

Depuis l'intensification des agressions à la frontière, et plus encore après la guerre des 4 jours d'avril 2016 déclenchée par Baku, l'Arménie est en droit de demander aux pays du Groupe de Minsk l'arrêt momentané des négociations, pour exiger de l'Azerbaïdjan la signature d'un pacte de non agression, accompagné de garanties mesurables et quantifiables de reconstruction de la confiance perdue par les reniements par Baku de ses engagements.
Or, le glissement progressif des termes des négociations de la solution globale, au demeurant obtenue à grand mal à partir de 1998, vers une solution par étapes, largement au profit de l'Azerbaïdjan, fragilise le dispositif de sécurité du Karabagh et de l'Arménie, une fragilité aggravée par un adversaire belliqueux qui a prouvé qu'il ne respecterait pas ses engagements.

*Les questions de l'après guerre

Indéniablement, la guerre des 4 jours d'avril dernier, a été la pierre d'achoppement qui a permis de vérifier l'impact de l'état de santé du système politique en place sur les fonctions vitales du pays dans les conditions de danger imminent, créées par l'agression étrangère. 

Or, les résultats sont équivoques. Des soldats à la bravoure légendaire, et des combattants volontaires mobilisés dès le premier jour de l'agression dans tout le pays ont tenté courageusement de compenser au péril de leur vie, la déficience des moyens militaires et techniques, l'inefficacité de l'approvisionnement, et les dysfonctionnements du commandement. La guerre et son dénouement ont soulevé des questions essentielles qui n'ont pas toutes trouvé des réponses satisfaisantes de la part des autorités. 

On a découvert que des officiers supérieurs ont détourné les fonds destinés aux équipements et l'alimentation des soldats, une corruption aux conséquences graves en temps de guerre. Quelques uns de ces officiers ont été relevés de leurs fonctions, mais sans jugement, et sans sanctions. Pourquoi ?
Après une période de fièvre patriotique exemplaire exprimée par toutes les couches de la société arménienne, durant laquelle les questions gênantes ont été mises sous le boisseau, le pouvoir a essuyé des critiques acerbes sur ces manquements coupables, venant notamment des milieux de l'opposition radicale, et de quelques militaires, héros de la guerre, et qui avaient joué un rôle de premier plan dans la conquête de ces terres entre 1993-94. Le pouvoir a d'abord minimisé l'étendue des territoires perdus, qualifiant ces derniers de « non stratégiques » : il a, dans un premier temps, fustigé ceux qui ont annoncé une perte de 800 ha, pour s'accorder peu de temps après sur ce même constat. Aux appels d'un groupe de combattants de reconquérir sans trop tarder les territoires perdus, les autorités ont opposé un refus motivé par le souci d'éviter de nouvelles morts parmi soldats. Lorsque des experts ont prouvé que plus de 80 % des soldats tués et blessés l'ont été lors des combats du premier jour, et que les assauts de l'armée pour reprendre les sites occupés n'ont pratiquement pas fait de victimes combattantes, les autorités ont gardé le silence. 

Plus grave encore, une vidéo a circulé sur le net montrant un bataillon au front, filmer l'arrivée massive des assaillants azerbaïdjanais pendant de longues minutes, et attendre désespérément l'ordre du commandant de tirer ; mais cet ordre n'est jamais venu. 
Des observateurs ont demandé en vain la mise en place d'une commission d'enquête indépendante composée de personnalités au dessus de tout soupçon sur les dysfonctionnements dans l'armée, cités plus haut. 
Et lorsque le Président a lancé au détour d'une interview, que ceux qui le critiquent aillent libérer eux mêmes les territoires perdus, Jirair Sefilian, ancien commandant du bataillon de Chouchi, a lancé une opération pour recruter des volontaires. Quelques semaines plus tard, Jirair Sefilian était arrêté avec l'accusation de fomenter un coup d’État, dans une affaire probablement montée de toute pièce avec des preuves fabriquées. 

Pour mémoire, l'article 42 de la Constitution de la République du Haut Karabagh stipule que dans l'attente….. de la définition des frontières finales de la République, l'autorité des pouvoirs publics s'étend sur les terres qui se trouvent de facto sous son contrôle. 

A ce jour, toutes ces questions légitimes sur les dysfonctionnements menaçant la sécurité des citoyens sont restées sans réponse. 
Pour mémoire encore, il y a une dizaine d'années, l'armée arménienne était considérée par les experts militaires comme la plus organisée et la plus combative de l'ensemble du Caucase. On aimerait en dire autant aujourd'hui.

Dans ces conditions, l'arrestation récente de Jirair Sefilian paraît obéir à des considérations arbitraires et s'explique par une certaine nervosité du pouvoir qui veut décourager la critique sur les questions de défense nationale qui sont d'actualité depuis la guerre. Néanmoins, on peut considérer que son arrestation prend des accents dangereux renforçant un climat d'insécurité pour les citoyens, à un moment où la défense du pays aura bien besoin de l'expérience de l'ensemble de ces combattants qui ont fait leurs preuves par le passé.

*Un bilan clair et sincère des forces et faiblesses

Aujourd'hui, la certitude d'une nouvelle guerre qui s'annonce de nouveau après les jours difficiles, nécessiterait un bilan clair et sincère des forces et faiblesses des systèmes de sécurité militaire, diplomatique, sociale et politique, tous intimement liés à la gouvernance du pays. 
Or, pour ce qui concerne la défense diplomatique, ce dernier round des négociations semble faire l'impasse sur la guerre des 4 jours et les conclusions qui s'imposent à la politique arménienne aussi bien intérieure qu'extérieure. On repart de plus belle avec les mêmes paramètres, et en maintenant inchangées les concepts et les bases politiques et juridiques du conflit, alors que l'analyse objective des conditions et des conséquences humaines et stratégiques de la guerre voudrait que l'on mette à plat des éléments qui ont rendu possible l'agression azerbaïdjanaise, tout en mettant à profit cette occasion pour réviser les idées et concepts qui ont fini par mettre la partie arménienne dans l'impasse. 
Il est regrettable que la réponse du pouvoir soit largement en deçà du sursaut indispensable à un changement des paradigmes du conflit et des négociations de paix.

*Une occasion historique de mettre à plat les termes des négociations

La politique étrangère de l'Arménie concernant la résolution du Conflit du Haut-Karabagh, s'est construite au gré des évolutions du contexte géopolitique internationale, dans une région où se heurtent des intérêts contradictoires occidentales et russes. La non-reconnaissance de la République de Haut-Karabagh n'est pas la conséquence de l'absence de fondements légaux pour le rattachement du Karabagh à l'Arménie ou pour son indépendance, mais bien celle de la décision des Etats-Unis à l'automne 1991, de reconnaître les États issus de l'ex-URSS dans leurs frontières de l'époque soviétique. Il faut noter que cette décision contredisait l'appel du Sénat américain au Soviet Suprême de l'URSS, faite un an plus tôt en novembre 1989, d'apporter au conflit de la Région autonome du Haut-Karabagh une solution en accord avec les souhaits de sa population, à savoir le rattachement à l'Arménie. Le contexte géopolitique modifié en un an avait inversé la politique américaine sur ce sujet.

Le 3 avril 1990, l'URSS avait décrété une loi permettant à ses entités autonomes de décider librement de leur statut, y compris celui de l'indépendance, en cas de sortie de l'Union. 
La décision des USA de reconnaître les frontières internes de l'URSS était issue de la volonté américaine de donner des garanties à la Russie d'assurer sa propre intégrité territoriale, alors que la chaos régnant dans le pays menaçait de faire exploser l'espace qui devait devenir russe; cette garantie a suffi à la Russie qui a imité les USA pour reconnaître les nouveaux États indépendants avec leurs frontières soviétiques. 
Dans le chaos de la chute de l'URSS la Communauté internationale a supposé que l'indépendance du Haut-Karabagh avait pour fondement juridique la loi soviétique du 3 avril 1990 sur le droit à la cécession des entités soviétiques autonomes, et n'a pas distingué le véritable fondement légal de cette indépendance, à savoir la souveraineté arménienne sur un territoire qui n'appartenait pas à la République d'Azerbaïdjan.
De même, la difficulté de la solution du conflit n'est pas dans l'opposition supposée entre les principes d'intégrité territoriale et le droit à l'autodétermination des peuples, mais bien dans la contradiction entre l'acte politique de reconnaissance de la République d'Azerbaïdjan dans les frontières de la RSS d'Azerbaïdjan, et les fondements juridiques inexistantes de cette reconnaissance . Si l'OSCE se mettait à examiner ces fondements juridiques, elle mettrait en évidence l'incongruité de la reconnaissance internationale de l'Azerbaïdjan dans des frontières qui ne lui appartiennent pas, à savoir celles incluant le Nakhitchevan et le Haut-Karabagh qui ne lui ont été rattachés administrativement sur une décision du bureau caucasien bolchévique, que dans le cadre d'un « protectorat ». 

Or, on remarque que depuis le début du conflit du Haut-Karabagh, des frontières continuent à être modifiées dans le monde sans égard pour le principe de l'intégrité territoriale. 
Ainsi, la même communauté internationale a accordé l'indépendance au Kosovo, sans même évoquer ce principe, utilisant pour cela l'argument des crimes de guerre et contre l'Humanité commis à l'encontre des populations Kosovars. 
Or, pendant toute la durée des négociations de paix, l'OSCE a fait l'impasse sur les massacres d'Arméniens par l'Azerbaïdjan, en dépit de toutes les résolutions du Parlement européen condamnant dans les années 1988-1992 ces exactions.

Après cette guerre imposée, il était indispensable pour l'Arménie de saisir cette occasion pour brouiller les cartes de ces négociations, qui nuisent plus à la recherche d'une solution équitable qu'elles n'apportent de solutions.
Enfin, il ne peut y avoir de victoire diplomatique sans une pensée politique arménienne structurée, prenant en considération l'ensemble des relations entre les acteurs qui agissent sur son sort, afin de réussir, par des initiatives appropriées, à compenser la faiblesse induite par la petite taille du pays soumis constamment aux pressions des colosses qui l'entourent.

Pour conclure, l'Arménie ne doit plus prendre un seul pas dans les négociations qui ne soit le fruit d'une réflexion profonde et pluridisciplinaire sur les conséquences de ses actes et engagements sur la viabilité du pays. Pour cela, elle doit soutenir la création d'instituts de recherches politiques et économiques à Erevan, mais aussi à Moscou, à Washington et à Bruxelles, pour élaborer des modèles de développement adaptés à ses spécificités, en vue de la résolution de ses problèmes politiques, économiques et géopolitiques. La matière grise nécessaire à un tel projet existe aussi bien en Arménie que dans ces centres où se décide le sort du pays. 
Sachant, cependant, que ces modèles ne peuvent se réaliser que dans des conditions de démocratie réelle, où le citoyen et l'Arménien diasporique, mais surtout l’État, doivent agir avec la conscience claire que cette fragile indépendance est peut-être la dernière chance qui leur est donnée pour s'accomplir en tant que nation, et qu'ils ne peuvent la garder qu'en prenant soin du pays et de ses habitants comme leur bien le plus précieux.

Hilda Tchoboian

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