samedi 27 avril 2013

« JE CHERCHE UN JUGE »...

"Il ne suffit pas de pleurer pour souffrir. Il ne suffit pas de souffrir pour mourir. Il ne suffit pas de mourir pour avoir raison. Il faut montrer la barbarie du bourreau. Sinon le crime contre l’humanité n’est qu’un crime." Nikos Lygeros


COMMUNIQUE DE PRESSE – AUDIENCE SPECIALE
DES REFERES DU 30 AVRIL 2013, 10H00, AU
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE
MARSEILLE :

« JE CHERCHE UN JUGE »
« Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort,
on a fait que ce qui est fort fût juste. »
PASCAL

Semblable à Diogène de Sinope qui cherchait un homme, avec sa lanterne, le justiciable
vertueux en quête de justice, couvert de sa seule bonne foi et éclairé du Droit, porte sa cause
universelle. Il cherche un juge.
Très tôt victime du syndrome kafkaïen de la Sentinelle ( la parabole de la loi – Joseph
KAFKA, Le procès ), il se heurte, pendant les quatorze années de son long périple procédural, à la
porte close, au déni de justice.
Pourtant, aujourd'hui, encore, plus résolu que jamais à défendre sa dignité et ses droits
fondamentaux, il sait qu'il a raison et que la Vérité finira par triompher. Il trouvera bientôt la
protection juridictionnelle qui lui est due, comme Ulysse au retour de son odyssée retrouva les
rives d'Ithaque et recouvra ses droits souverains.
En l'occurrence ( demande contentieuse de transposition en droit interne de la décision-cadre
2008/913/JAI du 28 Novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de
racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal ), deux juges sont compétents pour constater la
voie de fait ( TC, 27 Juin 1966, Guigon, Rec. 830 ) qui résulte de l'abstention inconstitutionnelle
du Premier ministre français.
Le premier juge ( le Conseil d'Etat ), toutefois, s'est, à tort, déclaré incompétent le 26 Novembre
2012. Il a ouvert, ce faisant, la voie de l'action judiciaire et, le cas échéant, du Tribunal des
conflits.
Le second ( le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Marseille ) doit examiner
l'affaire lors d'une audience spéciale, le 30 Avril 2013 prochain à 10h00.
Où celui-ci pourra-t-il puiser l'autorité de sa décision, sinon dans le Droit ?
N'est-ce pas le principe de prééminence du Droit qui orne le frontispice de nos codes
républicains ?
…/...
2/4
Dès lors, jusques à quand l'Etat, oublieux de ses engagements irrévocables devant la
Conscience internationale ( « Pacta sunt servanda » ) et négligent de ses responsabilités
juridiques, comme morales, se complaira-t-il dans les délices oniriques de la realpolitik?
En serions-nous, en 2013, encore sous le régime des Capitulations de François Ier et de
Soliman ? Comme si PARIS prenait ses ordres auprès de l'OTAN ou d'ANKARA ?
Comment, sous le règne du JUS COGENS, mettre en balance des intérêts mercantilistes avec
un intérêt supérieur de civilisation, des promesses de marchés avec la dignité de 1 500 000
victimes arméniennes innocentes ? Combien de consciences martyrisées pour un Airbus ?
Près d'un siècle après le génocide, la France serait-elle atteinte d'amnésie diplomatique ? Auraitelle
effacé de sa mémoire sélective sa reconnaissance solennelle du 24 Mai 1915, dénonçant
conjointement avec l'Angleterre et la Russie les « nouveaux crimes de la Turquie contre
l'humanité et la civilisation » ?
Où sont, donc, l'âme et le principe spirituel de la Nation, telle que la définit Ernest RENAN
dans « Qu'est-ce qu'une Nation ? » ?
La République, patrie des droits de l'homme, demeurera-t-elle encore longtemps muette face aux
vociférations des foules haineuses fanatisées et tétanisée par le spectre de la néantisation ?
La Raison d'Etat serait-elle supérieure à la Raison universelle ?
Foin de la misologie et des misologues ! Celui qui, recueillant la dette générationnelle, a
conservé intacte la mémoire des peuples et tiré profit des glorieux enseignements antiques, sait
que les descendants des victimes du Génocide Arménien et des autres crimes contre l'humanité,
ont droit, comme Antigone, de donner à leurs morts une sépulture décente. Celle-ci sera revêtue du
sceau de la Loi, préservant leur fragile mémoire des rostres acérés du féroce négationnisme.
On s'en souvient. A Créon qui lui demandait si elle avait intentionnellement désobéi à son édit
interdisant d'ensevelir son frère Polynice et pourquoi elle n'avait pas respecté ses lois, Antigone
répondit :
« Oui, car ce n'est pas Zeus qui les a promulguées, ni la Justice qui siège auprès des dieux
infernaux : elle n'a jamais fixé de telles lois aux hommes. Je ne pensais pas que tes édits fussent
assez puissants pour permettre à un mortel de violer d'autres lois, des lois non écrites, celles-là,
mais intangibles car ce sont celles des dieux. Elles ne datent ni d'aujourd'hui ni d'hier, elles sont
éternelles, nul ne sait quand elles sont apparues. Pouvais-je donc, par crainte d'un homme, leur
désobéir, et risquer la vengeance des dieux ? » ( Sophocle, Antigone, 442 av. J.-C. )
Plus près de nous, ce sont les mêmes voix ancestrales qui résonnent à nos oreilles :
« La République française honore la loyauté, le courage, la vieillesse, la piété filiale, le
malheur. Elle remet le dépôt de sa Constitution sous la garde de toutes les vertus. » ( art. 123 de la
Constitution du 24 Juin 1793 ).
…/...
3/4
Le crime de génocide est imprescriptible. Le poids des années d'injustice n'allège pas la peine
des victimes, mais ne fait qu'accroître la soif inextinguible de justice de leurs descendants. La
faute incommensurable de l'Etat criminel ne se dissout pas dans le déni organisé qui, à l'inverse,
met en plein jour la tache indélébile d'inhumanité qu'il porte pour l'éternité :
« L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn. » ( Victor HUGO, La Légende des siècles, la
conscience ).
*
Ces considérations nous confortent dans notre démarche juridictionnelle qui se présente, plus
que jamais, comme la seule capable de nous procurer la protection universelle par la loi pénale
contre le négationnisme, procédure que les démocrates de tous les pays ne peuvent que soutenir.
Je ne puis, en conséquence, que renvoyer au texte dont je demande officiellement au juge des
référés du Tribunal de Grande Instance de Marseille qu'il en ordonne le dépôt par le Premier
ministre sous forme de projet de loi et qui a été judicieusement repris dans la dernière proposition
de loi que Madame Valérie BOYER, Députée des Bouches-du-Rhône et cinq autres de ses
collègues ont, avec force courage et détermination, déposée le 06 Février 2013 sur le Bureau de
l'Assemblée Nationale :
« ( … )
Article 1er
Le premier alinéa de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est
rédigé ainsi qu'il suit:
'Seront punis d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 45 000 € ou de l'une de ces
deux peines seulement ceux qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence
dans les conditions visées par le sixième alinéa de l'article 24 en contestant, par un des moyens
énoncés à l'article 23, l'existence ou la qualification juridique d'un ou plusieurs génocides,
crimes contre l'humanité et crimes de guerre notoires dont la liste chronologique suit :
- Esclavage et Traite;
- Génocide Arménien;
- crimes visés par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de
Londres du 8 août 1945.
Vaudra contestation, au sens du présent article, la négation, la banalisation grossière ou la
minimisation desdits crimes, de même que l'usage de tout terme ou signe dépréciatif ou dubitatif
pour les désigner, tel que « soi-disant », « prétendu », « hypothétique » ou « supposé ».
Article 2
Dans l’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : ‘ou
des déportés’, sont insérés les mots : ‘ou de toutes autres victimes’. »;
…/...
4/4
Dans ces circonstances, le mot de LACORDAIRE n'en a que plus de résonance :
« Entre le fort et le faible ( … ) c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui affranchit. »
De même, comme le disait Emmanuel KANT, la politique ne peut pas faire un seul pas sans
rendre hommage à la morale.
PORTALIS a raison : « Les orateurs pourront manquer aux circonstances, mais les
circonstances ne manqueront jamais aux orateurs. »
Aussi, pour que nos légitimes prétentions « tournent toujours au maintien de la Constitution et
au bonheur de tous », après avoir dressé le constat que le fort n'est pas juste, faisons en sorte que
le juste soit fort !

Si la Justice a un nom, aujourd'hui il lui faut un visage.

Sachons, donc, le 30 Avril 2013, rappeler le Droit au bon souvenir des juges ! Face à leur
conscience, ils finiront par se reconnaître dans le miroir de l'humanité.

Marseille, le 26 Avril 2013
Philippe KRIKORIAN,
Avocat au Barreau de Marseille

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